Si pour vous, se laver les mains systématiquement avant chaque repas, après s’être mouché et se doucher tous les soirs est une habitude, cette routine n’est pas appliquée par tout le monde ! Dans un contexte où la moindre bactérie peut entraîner des complications et où le respect des règles sanitaires constitue un enjeu de santé publique, l’Ifop pour Diogène-France, s’est penché sur l’hygiène des Français. Soixante-dix ans après l’enquête du magazine Elle qui fit scandale en mettant en évidence les conditions déplorables d’hygiène corporelle des Françaises qui souffraient encore d’un manque criant d’accès au confort sanitaire de base, l’étude permet de faire le point sur la propreté corporelle et domestique des Français.
Par cette mise à jour, nous apprendrons que l’hygiène corporelle et domestique est loin d’être acquise pour tous. Si globalement elle a radicalement changé depuis les années 1950, certains pans de la population restent encore éloignés des standards de propreté, en particulier parmi les personnes les plus âgées et les plus isolées du reste de la société.
Les français(es) sont-ils propres ? Une étude IFOP et Diogène France
Aujourd’hui, alors que tout est mis en œuvre pour que l’hygiène soit accessible à tous, seuls 3 Français sur 4 (76%) procèdent à une toilette complète tous les jours. Les femmes se montrant, sur ce point, plus exigeantes que les hommes puisque 81% d’entre elles procèdent à une toilette complète « au moins une fois par jour » contre 71% des hommes (alors qu’elles n’étaient que 52%en 1951).
Isolement géographique ou social, les ruraux (59%), chômeurs (60%), et les femmes ne recevant jamais personne à leur domicile (60%) sont davantage touchés par le manque d’hygiène.
Le fait qu’au début des années 50, seule une femme sur deux se lavait quotidiennement tient à un manque criant d’accès au confort sanitaire de base : seules 51% des Françaises avaient alors accès à l’eau chaude, 10% à une salle de bain contrairement à aujourd’hui où 86% possèdent une douche et/ou 64% une baignoire.
Mais si aujourd'hui, près de 9 Français sur 10 (88%) ont accès à une douche dans leur résidence principale, ils sont moins de 2 sur 3 (63%) à prendre une douche quotidiennement contrairement au bain, puisque seulement 6% en prennent un quotidiennement. Signe de la persistance d’autres moyens de se laver pour une grande partie de la population.
On dénombre là encore moins d’adeptes chez les hommes et en particulier chez ceux âgés de 65 ans et plus qui ne sont que 36% à prendre une douche quotidiennement (contre 46% des femmes du même âge).
À l’heure où le discours sur la fréquence de lavage des cheveux tend plutôt à inciter à la modération, il est intéressant de noter que les pratiques en la matière restent très genrées. En effet, si 3 hommes sur 10 se lavent les cheveux tous les jours, une obsession du shampoing légèrement plus accentuée chez les jeunes de moins de 25 ans (35%), ce n'est le cas que de 8% des femmes. La norme chez les femmes est plutôt à un rythme de tous les deux jours ou 2 fois par semaine (62%, contre 51% chez les hommes).
Les comportements des Françaises en matière d’hygiène capillaire ont ainsi beaucoup évolué depuis le début des années 50, sachant qu’en 1951, les trois quarts d’entre elles se lavaient les cheveux moins d’une fois par semaine (77%), contre 8% en 1986 et 4% en 2020.
Cette différence entre les deux sexes se retrouve dans l’application des règles de base édictées par les pouvoirs publics (ex : Santé publique France) en matière de lavage des mains qui s’avère essentiel pour éviter la propagation des épidémies, notamment en période hivernale.
En effet, l’étude montre que les hommes respectent toujours beaucoup moins ces règles que les femmes : à peine 2 hommes sur 3 (68%) se lavent les mains systématiquement après être allés aux toilettes (contre 75% des femmes) et moins d’un tiers d’entre eux le font après avoir pris les transports en commun (31%, contre 42% des femmes).
Plus surprenant encore, seuls 25% des Français se lavent les mains après s’être mouché, un chiffre démontrant clairement l’ignorance des règles sanitaires de base en dépit des messages de santé publique martelés et du contexte viral qui règne actuellement.
Un caleçon par jour ?
Et niveau sous-vêtements ? Les Français sont-ils irréprochables ? Si la quasi-totalité des femmes (94%) changent de culotte « tous les jours », à peine 3 hommes sur 4 (73%) changent de slip/caleçon « tous les jours ».Une tendance accentuée chez les personnes âgées, puisque seuls 50% des hommes de plus de 65 ans changent de slip/caleçon « tous les jours », pas très hygiénique, en effet !
Mais les femmes se rattrapent tout de même sur leurs soutien-gorge, en effet, seules 28% d’entre elles déclarent le changer « tous les jours ».
Comparée à leurs ainées, l’hygiène vestimentaire des Françaises a tout de même, sur ce plan, radicalement évolué : la proportion de Françaises changeant de culotte quotidiennement est passée de 17% en 1951 à 82% en 1986 et 94% en 2020.
Ce manque d’hygiène corporelle et domestique contribue à un isolement sociale fort. En effet, les Français restent tout de même attachés à l’hygiène corporelle et domestique de leurs fréquentations puisque 39% ont déjà cessé de fréquenter quelqu’un qui négligeait son hygiène corporelle. De même, 31% ont déjà mis fin à une relation avec quelqu’un qui négligeait l’entretien de son intérieur ou la propreté de son foyer, et 29% concernant quelqu’un qui négligeait la manière de s’habiller, ou la propreté de ses vêtements.
Pourtant cette négligence porte un nom : le syndrome de Diogène, une maladie encore trop méconnue du grand public : 62% des Français n’en ont jamais entendu parler.
Vous pouvez télécharger le PDF reprenant l’intégralité des chiffres de l’enquête via ce lien.
Vous trouverez également via ce lien, une infographie reprenant les chiffres clés de l’enquête.
Le point de vue de l’expert - François Kraus, Directeur du pôle Genre, Sexualité et Santé Sexuelle à l’Ifop :
L’intérêt de cette enquête était de montrer si les préjugés concernant le manque d’hygiène corporelle des Français, était un mythe ou une réalité. Les résultats montrent que si globalement les choses ont énormément progressé en matière d’hygiène chez les Français depuis la seconde guerre mondiale, il reste tout de même encore quelques “poches de saleté” chez une proportion non négligeable de la population, notamment chez les hommes et les personnes âgées.
Ce manque d’hygiène chez les seniors et notamment chez les hommes est lié principalement à des variables souvent moins économiques, que sociales. En effet, le manque de sociabilité joue fortement, puisque les mauvais comportements sont globalement plus répandus en milieu rural, chez les personnes au chômage ou chez les personnes recevant rarement des proches ou des amis chez eux. Le critère en la matière réside ainsi plus dans la perception du regard des autres que sur le niveau de vie des personnes.
Il est également intéressant de noter que si les seniors, notamment les plus de 65 ans, sont moins rigoureux quant à la fréquence de changement de sous-vêtements, cela est lié à une fracture générationnelle en la matière. Cette catégorie de personne a longtemps été éduquée selon un rythme de changement vestimentaire, de douche ou de toilette moins soutenu qu’aujourd’hui. Ainsi, malgré des progrès considérables en matière sanitaire, une partie non négligeable des seniors continue à avoir des pratiques hygiéniques proches de celles qu’ils ont connu dans leur enfance.
On constate ainsi, que l’hygiène corporelle est très étroitement liée à l’isolement social, qui apparaît comme la variable déterminante à un manque d’hygiène global. Le regard des autres pèse et incite donc les Français, y compris les seniors à faire plus attention à leur hygiène.
Interview Arnaud Yhuel, propriétaire du site syndrome-diogene.fr :
Cette enquête montre que, si globalement l’hygiène des Français a radicalement changé depuis les années 1950, certains pans de la population restent encore éloignés des standards de propreté, en particulier parmi les personnes les plus âgées et les plus isolées du reste de la société.
Le syndrome de Diogène reste encore un phénomène méconnu du grand public puisque 62% des personnes interrogées affirment n’en avoir jamais entendu parler. Comment expliquer le manque de connaissance de ce syndrome auprès du grand public ?
Si le syndrome de Diogène reste assez mal connu, c’est tout d’abord en raison de son identification tardive. Ce n’est qu’au milieu des années 1970 que deux psychiatres anglais ont mis en évidence ce trouble du comportement. De plus, les facteurs de détection du syndrome peuvent être difficiles à reconnaître. Si dans 9 cas sur 10, les personnes atteintes du syndrome de Diogène sont atteintes de syllogomanie (accumulation compulsive pathologique), ce n’est pas toujours le cas et certains individus peuvent vivre dans le dénuement le plus total. Ce qui caractérise un « Diogène » est souvent son rapport excessif à l’hygiène corporelle et environnementale. Dans la très grande majorité, il s’agit d’une négligence totale ou partielle d’hygiène mais là encore, ce n’est pas une règle absolue. Le véritable point commun entre tous les cas étudiés est leur volonté totale à refuser de l’aide là où ils en ont le plus grand besoin.
Découvrez ici notre article pour plus d’information sur le syndrome de Diogène.