INTRODUCTION
D’hier à aujourd’hui, l’hygiène corporelle et domestique des Français(es) est mise à l’épreuve. Malgré une amélioration globale des conditions de confort et de propreté, certains restent en marge des conditions d’hygiène de notre époque.
Une enquête menée par l’IFOP (Institut Français d’Opinion Publique) a mis en lumière certains préjugés concernant l’hygiène corporelle des Français(es). Au-delà de la perception universelle de ce sujet, nous nous sommes penchés sur le retentissement au niveau de la Santé.
Comme l’évoque Arnaud Yhuel, propriétaire du site syndrome-diogene.fr, “le syndrome de Diogène reste encore un phénomène méconnu du grand public puisque 62% des personnes interrogées affirment n’en avoir jamais entendu parler.”
1-KESAKO
La définition du Syndrome de Diogène ne se réduit pas à l’absence ou à la présence de trouble du comportement. Il permet aux professionnels de santé de dresser un état des lieux autour du mode de vie d’une personne.
Il convient de définir en priorité le syndrome, qui constitue une accumulation de symptômes, sans pour autant présenter une maladie. Diogène, quant à lui, fait référence à un philosophe de l’antiquité grecque (Diogène de Sinope), philosophie fondée sur l’idée de vivre le plus éloignée de la civilisation afin de vivre au plus près de la nature. Ainsi éloigner tout désir de pouvoir ou de gloire.
Selon Stetka[1], le syndrome de Diogène est “un trouble du comportement conduisant à des conditions de vie négligées, un isolement social, une absence de honte, une apathie et une propension compulsive à accumuler des déchets. Il est généralement observé chez les personnes âgées et peut être le signe du développement d’une démence.”
[1]tetka BS. Medscape, 3 novembre 2014. En ligne le 9 mai 2016.
La théorie autour de cette définition reste cependant hypothétique et nécessite une étude au cas par cas. Il s’agit de décrire une situation afin de savoir dans quel paysage la personne se trouve.
Les personnes atteintes par ce syndrome peuvent aussi bien être atteintes de maladies neurologiques ou psychiatriques, avoir des troubles de personnalité, des désordres émotionnels. L’origine du Syndrome de Diogène peut aussi bien être idiopathique, dans ce cas, la cause n’est pas connue.
2-CONTEXTE
Le Docteur Jean-claude Monfort[1], neuropsychogériatre, est spécialiste des situations préoccupantes dans ce domaine. Par le biais de son expertise, il dresse un tableau effectif sur le Syndrome de Diogène.
Dans une interview accordée au quotidien le Département du Calvados[2], le Dr. Monfort explique que la prévalence au sein de la population dépend largement du périmètre de ce qu’on définit comme étant le Syndrome de Diogène : “si on a des critères plus larges, c’est presque tout le monde qui est touché.” En revanche, si l’on parle uniquement de situations préoccupantes mettant en jeu la sécurité de la personne et d’autrui, le Dr. Monfort estime le nombre de cas à 1 pour 2000.
Le syndrome de Diogène constitue une combinaison de séquences, expliquée par le Dr. Monfort grâce à un schéma métaphorique. Cette combinaison de séquences s’articule à trois niveaux différents :
- “La naissance au paradis, avoir besoin de rien puisqu’on a tout ;
- La disparition du paradis et l’arrivée en enfer, être démuni mais avoir besoin de tout ;
- L’arrivée sur Terre, dans la réalité.”
Le retour à la réalité constitue l’équilibre entre la possession et le besoin réel. L’expérience de cet équilibre nécessite parfois la mise en place de stratégies de survie si un événement perturbateur est présent. Ce dernier désigne alors l’étiologie même du développement du syndrome de Diogène.
[1]Docteur en médecine, Jean-Claude Monfort est praticien hospitalier à l’hôpital Ste-Anne, directeur pédagogique de l’organisme AFAR et auteur de plusieurs ouvrages sur la psychogériatrie
[2]https://vimeo.com/122628718 entretien à Bayeux le 16 mars 2015, à la veille de la conférence sur le Syndrome de Diogène organisé par le CLIC du Bessin.
Le Diogène est caractérisé principalement par une relation désorganisée avec l’objet, le corps et son environnement social. Le syndrome apparaît plus fréquemment chez les femmes, du fait de leur espérance de vie plus élevée. Le Diogène n’a pas de milieu social ni de lieu de vie prévalent.
3-Comment reconnaître et agir ?
L’auto-négligence liée à ce syndrome ne doit pas être réduite à une pathologie médicale. La société individualiste dans laquelle nous baignons a tendance à rapidement rejeter toute personne marginale, davantage si cette personne sent mauvais.
Même si 62 % des Français n’ont jamais entendu parler du syndrome de Diogène, l’hygiène reste un facteur important dans leurchoix de fréquentation. L’enquête menée par l’IFOP affirme que 39% des Français ont déjà cessé de fréquenter quelqu’un qui négligeait son hygiène corporelle. De même que 31% ont déjà mis fin à une relation avec quelqu’un qui négligeait l’entretien de son intérieur ou la propreté de son foyer.
L’obstination des Français(es) à rejeter toute forme de désintérêt en matière d’hygiène empêche les personnes atteintes du Syndrome de Diogène d’être accompagnées de manière appropriée.
Reconnaître ce syndrome s’avère difficile, notamment pour l’environnement poche du Diogène. Le médecin traitant joue un rôle déterminant dans l’élaboration du diagnostic. Des indices interpellent :
- le manque d’hygiène corporelle
- d’éventuelles infections de la peau liées à des parasites
- des infections respiratoires à répétition
- des carences alimentaires
- une ostéomalacie
- un repli sur soi
- de l’incurie parfois associée à de l’aboulie.
Le Syndrome de Diogène est un trouble polymorphe aux étiologies diverses et parfois méconnue. Ces différents éléments rendent le diagnostic difficile et nécessite une investigation plus approfondie du lieu de vie du Diogène.
Le Dr. Monfort insiste sur l’importance de l’accompagnement humain. Il déclare que “c’est une chance d’avoir une maladie à l’origine du syndrome”, car il est ainsi possible de trouver un médecin, une filière médicale afin de soigner l’origine du syndrome.
Si aucune origine physiologique ou psychologique n’est trouvée, l’accompagnement relève alors d’une aide singularisée. Dans ce cas, les proches des personnes affectées sont impuissantes car le relais médical est impossible.
Le secret de cet accompagnement est la patience. Le Dr. Monfort déclare “qu’il faudrait essayer de ne pas leur faire peur, car plus ils vont avoir peur, plus ils vont se renforcer dans leur autarcie.” Il y a un réel paradoxe entre l’urgence sociale et l’indulgence que nécessite ce syndrome.
Léa Paolacci, investigatrice santé chez Flashs.fr.